Pour de nombreuses grandes entreprises comme pour des PME, la pratique sportive constitue un critère de recrutement de jeunes à faible niveau de qualification. Point de vue du LCL et de Jean Bagal, sportif de haut niveau et chef d’entreprise.
Révéler de jeunes talents par le sport, le pari d’une entreprise du secteur bancaire
Ici, tous rêvent de devenir « pro » ! Ce n’est pourtant pas un contrat de footballeuse que signe Édalie Kaba dans les
locaux de l’AS Duchère. Comme dix coéquipiers rhônalpins sélectionnés, elle est venue parapher un contrat d’apprentissage avec la banque LCL. La formation est une sérieuse promesse : « J’ai quitté l’école à 16 ans sans rien, déposé mon CV partout, sans succès... » Ce contrat, en forme de rêve, Édalie le doit à « Point de Rencontre », une opération déployée par l’Agence pour l’éducation par le sport (Apels) en partenariat avec LCL, depuis septembre 2015. Ce programme consiste à transposer des compétences de la pratique sportive à l’emploi. Avec l’appui d’éducateurs à Paris et Lyon, de jeunes talents sont détectés au sein des clubs sportifs. Ils sont ensuite accompagnés dans le cadre d’un stage de quatre semaines pour découvrir et acquérir grâce au sport les savoir-être indispensables en entreprise. Puis ils sont formés durant dix-huit mois en alternant pratique et théorie sur les métiers de conseiller clientèle et service après-vente. « Notre pari est à terme de permettre à des jeunes encore sur le banc de la vie active, sans emploi, sans diplôme, déscolarisés, d’obtenir un CDI dans une des agences LCL », indique Renaud Chaumier, directeur des ressources humaines. « Le dépassement de soi, l’esprit d’équipe, le respect des consignes, l’entreprise en a besoin ». Yves Nanquette, directeur général, renchérit : « Nous leur permettons d’accéder à un métier : eux n’imaginent pas à quel point ils nous apportent ». Un renversement de perspectives pour les quarante jeunes actuellement en formation.
Le sport pour s’en sortir
Jean Bagal est arrivé du Cameroun en 2000. Sa jeunesse dans le quartier du Tonkin à Villeurbanne n’est pas évidente. Entre bagarres de rue et décrochage scolaire, il trouve refuge dans l’apprentissage du kempo1 et atteint le niveau de la compétition. Mais les premières défaites combinées à une blessure le font réfléchir : « Je passais mes journées sur mon canapé et je me suis dit : qu’est-ce que je vais faire de ma vie ? » Il s’engage alors dans plusieurs projets : organisation d’un concert, puis d’un gala annuel d’arts martiaux mixtes, le Lyon Fighting Championship. Les structures locales et les acteurs de la politique de la ville soutiennent ces initiatives : « La mairie m’a pris au sérieux ». Puis il crée sa propre agence de sécurité, qui s’agrandit vite. Il recrute alors des agents qu’il rencontre près des rings, dont plusieurs sont issus de quartiers prioritaires. Après avoir passé les diplômes professionnels, ils sont embauchés en CDI. Le sport devient donc « un moyen de s’en sortir pour des jeunes qui avaient parfois des gros problèmes ». Mais Jean Bagal laisse son affaire florissante aux mains d’un ami et revient vers ce qu’il aime. Il ouvre ainsi en 2015 à Meyzieu, ville de l’agglomération lyonnaise, une salle qui combine pratiques de sports de combat et musculation, le tout encadré par des professeurs. « Ce concept mixte marche bien, on peut ainsi accueillir un public varié (jeunes, enfants, femmes, familles complètes), qui vient chercher un lieu où on peut se dépenser tout en rencontrant des gens de tous horizons ». Un partenariat avec l’Itep2 lyonnais Antoine Chevrier permet d’accueillir des jeunes en insertion et de leur transmettre que la violence n’est pas une solution. « C’est le sport qui me l’a appris. Grâce à ça, j’ai réussi à construire ma vie ». C’est le message que Jean Bagal continue à transmettre au quotidien.
1 - Art martial dont la destinée première est l’efficacité immédiate en combat réel.
2 - Institut thérapeutique éducatif et pédagogique.