Le DAPAP : derrière cet acronyme se cache un dispositif unique en France qui permet aux habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville d’Auvergne-Rhône-Alpes d’être accompagnés vers la pratique d’activités physiques.
Zoom sur le dispositif d’accompagnement vers la pratique d’activités physiques (DAPAP) dans les territoires de l’Ain, de la Savoie et de l’Auvergne.
Les habitants des quartiers classés en politique de la ville (QPV) peuvent faire face à des difficultés qui s’accumulent : chômage, cadre de vie dégradé, manque de services et commerces de proximité, isolement... Au-delà des impacts néfastes sur leur état de santé, cette accumulation peut amener les habitants de ces territoires à considérer leur santé comme une préoccupation de second plan. En outre, la pratique régulière d’une activité physique ne constitue pas une priorité pour ce public et la barrière financière est souvent présente 1.
En Auvergne-Rhône-Alpes, le dispositif d’accompagnement vers la pratique d’activités physiques, le DAPAP (imaginé par l’ARS et la DRAJES) présente des solutions pour diminuer l’impact de ces problématiques imbriquées. En effet, il a été conçu pour (re)mettre l’individu en mouvement et, à terme, ancrer la pratique d’une activité physique dans son quotidien. Si les professionnels déployant le DAPAP s’appuyent sur des séances d’activité physique adaptée (les ateliers Passerelle), leur action va bien au-delà. Ils ont à cœur d’accompagner les bénéficiaires dans leur démarche d’amélioration de leur santé, de les aider à lever freins et obstacles à la pratique sportive, afin d’en tirer des bénéfices physiques et surtout psychologiques.
Le DAPAP se déploie à l’échelle départementale sur la base d’un cahier des charges unique. Toutefois, sa mise en œuvre est sensiblement différente d’un territoire à un autre du fait des singularités des structures porteuses (champ d’action, histoire, compétences, ...) conjuguées aux spécificités locales (problématiques géographiques, sociales, liées à l’aménagement du territoire, …).
3 territoires, 3 associations porteuses
Dans l’Ain, le DAPAP est porté par l’association Ain Profession Sport et Culture depuis 2014.
Cinq éducateurs d’activité physique adaptée (APA) animent des ateliers Passerelle à travers le département, notamment dans les quartiers politique de la ville de Bourg-en-Bresse et d’Oyonnax. Ces éducateurs sportifs ont été formés à l’encadrement de la pratique d’activité physique pour les publics fragilisés.
En Savoie, c’est le Comité départemental olympique et sportif (CDOS) qui pilote le DAPAP, en collaboration avec l’Agence écomobilité Savoie Mont-Blanc et la Maison des Réseaux de Santé de Savoie. Ce triptyque accompagne les personnes atteintes d’affection de longue durée sur le département et dans les QPV de Chambéry, Albertville et Aix-les-Bains, et monte des ateliers Passerelle avec des éducateurs APA indépendants.
Dans les départements auvergnats et dans le Rhône, le DAPAP est porté par le DAHLIR.
Avant de développer son dispositif santé, l’association a beaucoup œuvré dans les champs du handicap et de l’insertion professionnelle. Dans les territoires de la politique de la ville, l’association emploie des médiateurs de quartiers pour le développement d’activités physiques et l’accompagnement des personnes.
Des particularités locales
Afin de répondre au mieux aux problématiques vécues dans les quartiers, les structures porteuses du DAPAP ont adapté leurs méthodes d’intervention.
En Auvergne, le DAHLIR mobilise ses médiateurs de quartiers pour repérer les personnes visées par le dispositif. Ils travaillent ainsi main dans la main avec les chargés d’accompagnement DAPAP, ce qui a également pour intérêt d’avoir un meilleur suivi de la personne.
En Savoie, pour faciliter la détection et l’orientation des bénéficiaires, le CDOS s’appuie sur un partenariat fort avec les professionnels de santé exerçant en QPV, comme le Pôle Santé situé au cœur des Hauts de Chambéry. Ce partenaire emploie un éducateur APA ainsi que des médiateurs santé qui orientent directement les bénéficiaires vers le CDOS.
Quant à Ain Profession Sport et Culture, l’association a volontairement implanté une partie de ses ateliers passerelles dans les quartiers et mis en place des chèques sport de manière à lever deux obstacles à la pratique : la distance et le coût. L’association propose par ailleurs des ateliers éducatifs collectifs, en amont des ateliers Passerelle.
Comme l’explique Justine Meudre, responsable et coordinatrice de l’association : « Certains bénéficiaires ne souhaitent pas se lancer directement dans un atelier d’activité physique. C’est pourquoi nous avons développé des ateliers éducatifs. On y échange de manière ludique sur ce qu’est le sport, l’activité physique… Cela leur permet de réfléchir à leurs représentations, et souvent de les motiver à la pratique en y donnant plus sens ».
Au fil des séances, les bénéficiaires se détachent de l’image négative qu’ils peuvent avoir du sport et développent un intérêt significatif pour la pratique.
Nonobstant ces spécificités, tous les porteurs du DAPAP tendent vers le même objectif : accompagner l’individu à reprendre en main son état de santé, son bien-être physique et mental. En s’appuyant sur le cahier des charges du dispositif, notamment concernant le processus d’accompagnement individuel (orientation, entretien-bilan, ateliers Passerelle, accompagnement en club…), les porteurs du DAPAP se mettent au service de la personne. Comme l’indique Mathieu Joly, chargé de mission pour le CDOS de la Savoie jusqu’au printemps 2022 : « On a tous à cœur d’accompagner l’humain. On est porté sur la personne, son projet, son parcours. Nous prenons en compte les difficultés des gens pour les amener à la pratique régulière d’une activité physique. On pourrait croire que chaque porteur du DAPAP a des intérêts divergents alors que non, tout le monde tend vers la même chose, malgré nos statuts respectifs. On fait tous un pas les uns vers les autres au service du public. »
Le DAPAP pour améliorer son quotidien
Une fois le bénéficiaire entré dans le processus d’accompagnement, deux bénéfices majeurs semblent se dégager.
Le premier est d’ordre physique. Face à ce public qui souffre pour la majorité d’une forte sédentarité, une mobilisation par l’activité physique permet de les aider à plus bouger au quotidien et d’ouvrir leurs champs de possibilités. En effet, lors des ateliers collectifs, les pratiquants essayent au fil des semaines différentes activités physiques. Ces activités sont adaptées par l’éducateur à chaque bénéficiaire en prenant en compte ses problématiques de santé.
Une fois que les bénéficiaires ont pris goût aux séances en ateliers Passerelle et se sentent mieux, ils sont encouragés à pérenniser et développer leur pratique, en se dirigeant vers des clubs.
Mais tout cela ne serait possible sans le bénéfice psychologique important qu’apporte une pratique d’activité physique régulière. D’abord, les séances proposées permettent à chacun de travailler sur l’estime de soi, et de globalement reprendre confiance en ses capacités physiques. Chaque nouvel exercice réussi, chaque progrès dans la pratique sont des petites victoires qui boostent mentalement les bénéficiaires. Cette confiance en soi retrouvée est transposable dans de nombreuses situations de la vie quotidienne.
Ensuite, les bénéfices en termes de sociabilisation sont significatifs. Lors des ateliers Passerelle, les bénéficiaires côtoient d’autres personnes et trouvent leur place dans un collectif. L’isolement que peuvent rencontrer nombre de bénéficiaires est brisé.
Activité physique = sport ?
Mais pourquoi parle-t-on d'activité physique et non de sport ? Pourquoi cette différence est-elle particulièrement marquée dans les discours des acteurs du DAPAP ?
D'abord, parce que le terme de sport renvoie souvent à une idée d'intensité et de compétition, qui ne correspond pas à ce qui est recherché à travers le dispositif. L’emploi de la notion d’activité physique permet de se détacher de cette idée, mais aussi de l’aspect réglementaire associé au sport.
Cela permet également d’élargir le champ des possibles des bénéficiaires : l’activité physique peut être associée à bien plus d’activités que le sport. Quand je bouge, quand je marche pour me rendre au travail, quand je me déplace à vélo… je fais une activité physique, qui déjà peut avoir un impact positif sur ma santé et limiter ma sédentarité.
Cette distinction entre sport et activité physique est d’ailleurs au centre des séances de sensibilisation que les structures porteuses du DAPAP animent auprès de leurs partenaires et des acteurs de l’insertion.
Les acteurs de l’insertion et les professionnels de santé sont souvent les premiers interlocuteurs des potentiels bénéficiaires. Il est donc important qu’ils aient une connaissance précise des actions mises en place par les porteurs du DAPAP et les intérêts de celles-ci. Ainsi, ils pourront convaincre et orienter au mieux les personnes.
Ce travail en réseau associé à la place centrale donnée à l’humain dans les actions menées constituent les clés de réussite des structures porteuses du DAPAP pour remettre en mouvement et améliorer le quotidien de nombreuses personnes habitant les quartiers politique de la ville.
1 Selon l’Observatoire national de la politique de la ville dans son rapport 2019, deux habitants de quartiers politique de la ville sur cinq déclarent avoir renoncé à au moins un soin pour des raisons financières durant l’année 2019. Et seulement 31 % des habitants des quartiers de la politique de la ville pratiquent au moins 10 minutes d’activité physique dans la semaine, contre 49 % des habitants du reste de l’agglomération.